Semaines
de l’Amérique latine
et des Caraïbes 2024

Colloque international de philosophie : OUTRECUIDANCE DE LA RAISON

Colloque Philosophie Amérique latine et Caraïbes

Du 27 au 29 mai de 08:30 à 22:00

Université Paris 7 ]
5 Rue Thomas Mann - 75013 Paris (Île-de-France)
Evénement mixte : en présentiel et en distanciel (voir les informations pratiques)

Organisé par "LLCP Université Paris 8, LCSP Université Paris 7, IHEAL Université Paris 3, Séminaire Les Dialogues Philosophiques de la Maison de l’Amérique Latine à Paris" en partenariat avec "LLCP Université Paris 8, LCSP Université Paris 7, IHEAL Université Paris 3, Séminaire Les Dialogues Philosophiques de la Maison de l’Amérique Latine à Paris".

Description

COLLOQUE INTERNATIONAL DE PHILOSOPHIE
DES SEMAINES DE L’AMÉRIQUE LATINE ET DES CARAÏBES
27, 28 et 29 mai à la Maison de l’Amérique Latine - Université Paris Cité
OUTRECUIDANCE DE LA RAISON

Un thème récurrent dans la philosophie de François Châtelet, celui de l’« outrecuidance »1
de la Raison, avec un grand R et les grands airs qu’elle se donne pour du haut de son tribunal
universel trancher et juger de tout, de science (la vérité), de morale (le bien), de droit (le juste), de religion (la croyance), d’esthétique (le beau), et quoi encore … A la différence de l’outrance qui passe outre la limite de ses forces et donne dans la démesure (forcer le trait, mener une guerre à outrance), l’outrecuidance est avant tout affaire non pas de fait mais de droit, d’un droit qu’on s’arroge pour juger et disqualifier d’autorité, c’est-à-dire sans appel, des croyances, des conduites, des sensibilités, comme si elles étaient toutes justiciables d’une mesure univoque et incontestable. Telle est la démesure de la mesure de la Raison dont s’autorisent les « outrecuidants » (« du leader de groupuscule au président des Etats-Unis, du psychiatre au P.D.G ») et les « outrecuidances » (« la Science, la Classe ouvrière, la Patrie, le Progrès, la Santé, la Sécurité, la Démocratie, le Socialisme … ») pour soumettre les vies minuscules à l’ordre de leur pouvoir majuscule. Pour autant, comme le démontre Deleuze dans l’admirable conférence qu’il lui a consacrée (2) son diagnostic de l’irrationalité de la Raison ne fait pas le moins du monde de Châtelet un irrationaliste (3), tout au contraire c’est pour opposer à l’hypostase d’une Raison transcendante en surplomb de tous les champs du
savoir et de l’expérience la pluralité des processus de rationalisation permettant d’inventer au cas par cas, dans l’immanence, des rapports de compossibilité entre des matières et des pratiques hétérogènes : « comprenons, écrit Deleuze, que la raison n’est pas une faculté, mais un processus (…). Il y a un pluralisme de la raison, parce que nous n’avons aucun motif pour penser la matière ni l’acte comme uniques » (4) . La raison n’est pas une faculté légiférante ni un tribunal qui soumet à ses lois, c’est une puissance active, une façon de faire avec la diversité de ce qui se présente pour rendre vivable la vie ; ni instance de
contrôle ni pôle d’unification, elle est instituante, diversifiante et différenciante.
Près de cinquante années plus tard, le diagnostic de Châtelet repris à son compte par
Deleuze reste-t-il d’actualité ? Faut-il seulement l’actualiser à la recherche des nouvelles
outrecuidances du XXIème siècle ? Faut-il le déplacer, l’amender, voire lui substituer un autre
diagnostic ? Dans tous les cas, il est question de détecter de quoi est fait notre présent, ce qui s’y présente de nouveau, comme des tonalités, des rythmes et des allures qui vont se répétant et font sa différence. Un premier constat s’impose, les idoles fustigées en son temps par Châtelet sont tombées ou sont mises à mal, méfiance envers les sciences, remise en cause du progrès, minoration, voire pour certains disparition de la classe ouvrière, patries supplantées par l’Europe, administration de la santé contestée (refus de la vaccination), démocratie malmenée, socialisme en berne, etc ; seule subsiste, érigée en totem par les forces réactionnaires, la Sécurité. En résulte un tableau contrasté. D’un côté, montée de l’irrationalisme anti-science (sciences dures et sciences humaines), accès de complotisme à la moindre occasion, expansion des fondamentalismes religieux, exacerbations identitaires, d’un autre côté, invention de nouveaux processus de rationalisation touchant la société civile et particulièrement le genre, la sexualité, la famille et le patriarcat mais aussi les rapports à la terre et aux animaux, inventions de nouveaux genre de vie, de nouveaux modes de production tendant à la frugalité. Quant aux fringants « outrecuidants » du temps présent, ils s’appellent, entre autres, influenceurs-influenceuses, libéraux à tout crin, coachs de vie, anti-wokes, etc..
Si du diagnostic de Châtelet et Deleuze reste prégnant le « tout est politique », compris la
sphère privée et le plus intime, le rapport aux autres, aux altérités, à soi-même, il est à
réinterroger à l’aune du plus grand changement intervenu dans le cours des sociétés et des vies, le règne planétaire de l’internet, de la Toile et des réseaux sociaux. La résultante en est une nouvelle économie mondialisée de l’espace et du temps caractérisée par l’enchevêtrement du local et du global dont la crise climatique et écologique est à la fois un révélateur et un accélérateur (Dipesh Chakrabarty). Quelle est la bonne focale pour appréhender et tenir ensemble le plus lointain et le plus proche, le réchauffement planétaire et une zone à défendre (ZAD) ? Comment accorder le heurt des temporalités entre Sud global et Nord dominateur ? Comment résister à la mondialisation computationnelle des flux où se dissolvent les singularités (« la société liquide » de Zygmut Bauman). Peut-être, en privilégiant les relations de voisinage, à condition d’entendre le voisinage au-delà de la proximité géographique ou culturelle, les voisins n’étant pas tant ceux qui nous ressemblent que ceux dont les expériences différentes, éventuellement éloignées dans le temps et l’espace, peuvent aider à éclairer les problèmes d notre présent, quelque chose comme un tiers inclus et un regard de biais.
1 Châtelet, François, "Les années de démolition", éditions Hallier, Paris, 1975, p. 263.
2 Deleuze, Gilles, "Périclès et Verdi". La philosophie de François Châtelet, les éditions de Minuit, Paris, 1988.
3 Voir notamment Châtelet, François, "Questions, Objections", Denoël/Gonthier, Paris, 1979, p. 115.
4 Op. cit., p. 9.
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***

Comité d’organisation : Gisele Amaya Dal Bó, Alejandro Bilbao, Julio Canhada, Fedra Cuestas, Marie Cuillerai, Guadalupe Deza, Stéphane Douailler, Baptiste Gillier, Claudia Gutierrez, Martín Macías Sorondo, Maia Minnaert, Inés Molina Navea, Francisco Naishtat, Bertrand Ogilvie, Diogo Sardinha, Patrick Vauday, Patrice Vermeren, Agostina Weler.

Participent à ce Colloque : Javier Agüero Aguila, Julie Alfonsi, Daniel Alvaro, Gisele Amaya Dal Bó, Mimose André, Carolina
Avalos, Mariela Avila, Lucia Belloro, Francesca Belviso, Bencherki Benmeziane, Hugo Biagini, Alejandro Bilbao, Alma Bolon,
Amalia Boyer, Laura Brondino, Jean-Jacques Cadet, Julio Canhada, Jordi Carmona Hurtado, Carla Carmona Escalera, Gustavo
Celedón, Filipe Ceppas, Gustavo Chataigner, Alexis Chausovsky, Lakhdar Chennaf, Patrick Cingolani, Michèle Cohen-Halimi,
Olivier Compagnon, Carlos Contreras, Maurizio Coppola, Bernardo Correa, Martin Cortés, Fedra Cuestas, Marie Cuillerai, Luis
Dapelo, Jorge Davila, Rachid Dehdouh, Sameh Dellaï, Joana Desplat-Roger, Guadalupe Deza, Rodrigo Diaz Maldonado, Elena
Donato, Yves Dorestal, Stéphane Douailler, Yves Duroux, Elias Emir Perez, Ricardo Espinoza-Lolas, Sara Fadabini, Alicia
Farinati, Graciela Ferras, Luis Ferreyra, Louise Ferté, Alessandro di Lima Francisco, Griselda Gaiada, Jean-René García, Obed
Frausto Gatica, Marcos García de la Huerta Izquierdo, Michèle Gendreau-Massaloux, Baptiste Gillier, Marie Grangeon-Mazat,
Maria Beatriz Greco, Claudia Gutierrez, Xabier Insausti, Orazio Irrera, Rada Ivekovic, Diego Julien, Annie Kensey, Yala Kisukidi,
Anne Kupiec, Guillaume le Blanc, Éric Lecerf, Martine Leibovici, Laura Llevadot, Georges Lomné, Luz Maria Lozano, Martín
Macías Sorondo, Nicole Mathieu, Maia Minnaert, Inés Molina Navea, Teresa Montealegre, Angelica Montes, Sabrina Morán,
Didier Moreau, Pierre-François Moreau, Francisco Naishtat, Soledad Nivoli, Alex Neumann, Bertrand Ogilvie, Alain-Patrick
Olivier, Pedro Ortega, Ana Paula Penchaszadeh, Carlos Perez, Nathalie Périn, Elen Pimentel, Dalila Pinheiro Silva, Jacques
Poulain, Behrang Pourhosseini, Natalia Prunes, Pham Quynchi Chi, Silvana Rabinovich, Marcelo Raffin, Jérémy Rafuse, Renzo
Ragghianti, Matthieu Renault, Facundo Reyna, Jordi Riba, Federico Rodriguez, Mercedes Risco, Gabriela Rodriguez, Lidia
Rodriguez, Denis Rolland, Carlos Ruiz-Schneider, Julie Saada, Alfredo Sanchez Santiago, Ana Sanchez, Cecilia Sanchez,
Diogo Sardinha, Carlos Schmerkin, Senda Sferco, Jonas Tabacof Waks, Silvana Totora, Lorena Souyris-Oportot, Fathi Triki,
Serpil Tunc, Nelson Vallejo-Gomez, Patrick Vauday, Amparo Vega, Francisco Verardi Bocca, Patrice Vermeren, Pauline
Vermeren, Pablo Vialatte, Susana Villavicencio, Ricardo Viscardi, Agostina Weler, José Eduardo Weisfred, Demin Xu, Barbara
Zauli.
5 Chakrabarty, Dipesh, Après le changement clima1aue, penser l’histoire, (2021), traduc.on française, Bibliothèque des Histoires, Gallimard, Paris, 2023. 6 Zygmut Baumann, Le présent liquide. Peurs sociales et obsession sécuritaire, tr.fr., Seuil, Paris, 2007.

Informations pratiques

Entrée : Ouvert à tous dans la limite de la capacité d’accueil (libre et gratuit)

Accès handicapé : Oui

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